Le Symbolisme de la gueule du Dragon


Ou pourquoi terrasser un dragon avec une lance



Dragon


 

 



Introduction

Nous avons voulu aborder le thème du dragon en une page spéficique car nous le citons assez souvent dans nos études (lire auparavant les pages destinées à Jeanne d'Arc, et au rébus de Saint-Grégoire-du-Vièvre). Nous traiterons ici plus précisément de la représentation courante du "dragon terrassé, dont une lance transperce sa gueule".

En effet, derrière cette description commune se cache à notre avis un message autre, traduisible en termes alchimiques, mais aussi, et ce ne sera qu'une hypothèse de travail que nous développerons à la fin de l'étude, peut-être en rapport avec le symbolisme de la méridienne de Saint-Sulpice, ou Rose Ligne.

 

 

Le dragon



Le dragon est, comme le serpent, un reptile vivant dans un environnement empoisonné, souvent dans les marais au sein des forêts et au bord des fleuves. Il était l'être dont l'on devait se débarrasser au moment de construire une ville. Pratiquement toutes les anciennes villes de France ont ainsi une histoire de dragon terrassé: Paris, avec Saint-Marcel son tueur de dragon, présent sur le portail de la cathédrale de Paris; Rouen avec son tueur de dragon Saint-Romain; Draguignan, et bien d'autres...

On lui connait d'autres formes plus féminines comme la Vouivre, qui serait aussi une représentation des flux telluriques souterrains.

De
couleur verte, recouvert d'écailles, le dragon est surtout connu dans nos légendes pour cracher du feu de sa gueule, ce qui a énormément d'importance pour la suite de notre étude.

 

 

Les tueurs de dragon

 

On appelle les tueurs de dragons des personnages sauroctones.

Très courants parmis les saints de la religion chrétienne, il est vraisemblable que leur symbole est celui de la nouvelle religion combattant les fausses croyances païennes. Comme nous le montrons avec
Saint-Grégoire-du-Vièvre, l'association d'un nom de saint sauroctone avec un nom païen, ou une image païenne, est souvent la seule trace qui nous reste du combat qui a vu s'affronter les deux religions dans nos campagnes.



Les deux saints sauroctones les plus représentés sont Saint-Michel, l'archange qui combat la bête du jugement dernier dans l'Apocalypse, et Saint-Georges qui, du haut de son cheval, transperce la gueule du dragon de sa lance.

Il est toutefois remarquable que ces deux saints ont la particularité de ne pas mettre pied à terre (Saint-Michel vole, et Saint-Georges est toujours représenté sur son cheval).

St-Georges (10 ko)

En langue des oiseaux, on pourrait alors dire qu'ils ne veulent pas se mouiller...


Le terrassement du dragon

Il existe deux types de dragons couramment représentés dans les différents textes ou imageries populaires: les dragons avec ailes et les dragons sans ailes (dits aptères).

A priori, terrasser un dragon pourrait s'imaginer comme s'appliquant à un dragon à qui l'on coupe ses ailes.

Si alors l'on considère que, comme pour l'Ange ou pour Hermès par exemple, avoir des ailes (dans le dos ou aux pieds) est un signe d'un état spirituel, ou supra humain, terrasser un dragon ailé correspondrait alors en alchimie à "matérialiser" une substance ignée, spirituelle... ou potentielle.

 

 

 

La couleur ésotérique du dragon

 

Le dragon est représenté comme étant un reptile. Il s'agit d'un état de rampant, ou encore d'un animal non évolué (comparé à l'homme qui se tient debout). Il pourrait donc représenter dans certaines imageries la Materia Prima des philosophes alchimistes.

Ses écailles sont vertes sur toutes ses représentations. C'est sa couleur éxotérique, ou "officielle". Nous verrons que, comme pour Jeanne d'Arc, le dragon a un aspect ésotérique, qui tient à une autre couleur...

Ainsi observons que lorsqu'il est terrassé, le dragon est représenté avec une lance qui lui transperce la gueule.

Ce symbole est capital pour comprendre ce qui va suivre et nous allons le développer dans ce qui suit:

La lance est un symbole de l'Axe du Monde.

Or l'Axe du Monde symbolique passe, sur Terre, par un Centre du Monde, appelé ou représenté aussi parfois comme le moteur d'une roue: on le nomme alors le feu de roue.

Or un indice nous est donné par la carte de tarot adjacente: sur cette carte de tarot le X, dont nous avons démontré l'importance primordiale en ésotérisme, est utilisé à la place du E dans le mot Roue: ROVX de FORTUNE.

Roux pour Rouge, qui est aussi, remarquez le bien, la couleur donnée au Centre de la Roue, et ceci dans les différents jeux de tarot que nous avons pu consulter.

La couleur rouge est donc la couleur symbolique que nous donnerons désormais à notre Centre du Monde, ou Feu de Roux.

A noter, toujours en rapport avec l'unité du symbolisme du Centre du Monde, que le Christ, dont nous avons montré qu'il était l'archétype même du Centre du Monde (en tant que manifestation de Dieu se déployant dans les quatre directions de la croix), est souvent figuré en ésotérisme comme ayant les cheveux... roux.

 

A gauche: extrait du tableau au Christ Roux, dans l'église Saint-Roch de Paris, 1er arr. A noter la pelle que tient le Christ, symbole maçonnique. La pioche est aussi présente dans ce petit tableau. (Photographie fournie courtoisement par Jean-Louis Delmas)

Or, pour revenir à notre sujet, en langage des blasons, qui est un jargon du Moyen-Age similaire au langage des oiseaux, le mot Gueule est utilisé pour désigner la couleur Rouge...

Reprécisons notre idée: un dragon, dont une lance passe par sa gueule pour le terrasser, gueule d'où les légendes font sortir du feu...

Il est aisé de faire l'analogie avec l'Axe du Monde qui passe, sur Terre, par un Centre du Monde, appelé aussi Feu de Roux.

 

Ainsi, derrière le monstre répugnant qu'est le dragon se cache ce secret tant convoité: ce que certains nomment le Graal, d'autres le feu de roux. D'ailleurs, il est intéressant de noter le fait que le sang, de couleur rouge (comme la rose à l'intersection de la croix), est le contenu du Graal...

Ce n'est pas pour rien, aussi, que l'on dit des dragons (comme des gnomes) qu'ils sont gardiens de trésors!!! Et l'on comprend alors que pour le domestiquer (comprendre: pour le terrasser), il faille lui transpercer la gueule d'une lance.

Sauf que l'agent terrasseur n'est pas de cette terre (l'Archange est de nature divine) ou s'il l'est (Saint-Georges est de nature humaine) il lui faut une monture, pour ne pas se mouiller... Il lui faut une cabale?

 

 

 

Le rouge et le vert...

 

Enfin parlons de la couleur verte. En héraldique son nom est sinople. Or Fulcanelli nous apprend dans ses ouvrages qu'il s'agit de l'ancien nom que l'on donnait à la couleur rouge.

Le vert (sinople) est donc un rouge caché, ou transmuté.

De même que le cuivre, métal "rouge", qui se recouvre de Vert-de-Gris lors de son oxydation.

Il est ici très important de noter que le fil de cuivre du méridien de Paris et des méridiennes de Saint-Sulpice et de la cathédrale de Bourges sont des fils de cuivre.

Si nous acceptons l'analogie entre le dragon et la ligne méridienne, ou la rose ligne, nous devons alors réfléchir à une possible analogie avec la lance, qui permet de fixer le feu aqueux (feu de roux): ce pourrait-il qu'il s'agisse du rayon de lumière frappant la méridienne tous les jours à l'heure du midi, passant par l'oculus de la rosace sud?

Car en effet, et ce ne sont pas nos amis de Contrepoint qui nous contrediront, la seule véritable définition de l'alchimie est qu'il s'agit d'une permutation des formes par la lumière.

 

 

 

Hypothèse

 

Une légende raconte que le 17 janvier à midi, un rayon de lumière projette des "pommes bleues" à partir d'un vitrail dans l'église de Rennes-le-Château.

Le 17 janvier est le jour de la Sainte-Roseline (Rose ligne) mais aussi celui de Saint-Sulpice, évêque de Bourges.

Or les "pommes bleues" seraient une allusion au raisin, d'après nombres d'auteurs, qui ne donnent jamais plus d'explication.

Le saint patron des vignerons est Saint-Vincent (Saint Vin-Sang), et les pommes bleues pourraient être une allusion à Saint-Vincent-de-Paul, célèbre évêque de Saint-Sulpice, patron des orphelins, et très certainement archimiste d'après Fulcanelli...

 

 

 

Quelques considérations alchimiques

 

Ces quelques extraits des ouvrages de Fulcanelli trouvent une lumière intéressante à la lecture de notre étude, sinon une confirmation sur certains points...

Le dragon vu par Fulcanelli dans ses Demeures Philosophales

Tome I, p 275.

" Nous reconnaissons dans le motif du chevalier au Griffon, l'un des emblêmes majeurs de la science alchimique, celui qui couvre la préparation des matières premières de l'Œuvre. Mais, tandis que le combat du dragon et du chevalier (Saint-Georges) indique la rencontre initiale, le duel des produits minéraux cherchant à défendre leur intégrité menacée, le griffon marque le résultat de l'opération, voilée d'ailleurs sous des mythes d'expressions variées, mais présentant tous les caractères d'incompatibilité, d'aversion naturelle et profonde qu'ont, l'une pour l'autre, les substances en contact.

" Du combat que le chevalier, ou soufre secret, livre au soufre arsenical du vieux dragon, naît la pierre astrale, blanche, pesante, brillante comme pur argent, et qui apparaît signée, portant l'empreinte de sa noblesse, la griffe, ésotériquement traduite par le griffon, indice certain d'union et de paix entre le feu et l'eau, entre l'air et la terre. [...]

" Sachez aussi que notre rocher - voilé sous la figure du dragon,- laisse d'abord couler une onde obscure, puante et vénéneuse, dont la fumée, épaisse et volatile, est extrêmement toxique.

" Cette eau, qui a pour symbole le corbeau, ne peut être lavée et blanchie que par le moyen du feu ( "tous nos lavages sont ignés; nos purifications se font dans le feu, par le feu et avec le feu" ). Et c'est là ce que les philosophes nous donnent à entendre lorsque, dans leur style énigmatique, ils recommandent à l'artiste de lui couper la tête. "

 

Tome I, p 368.

" Les deux dragons hermétiques, l'un ailé, l'autre aptère, sont les vrais principes de la philosophie. Celui qui est dessous sans ailes, c'est le fixe ou le mâle, et celui qui est au-dessus, c'est le volatil ou bien la femelle noire et obscure, qui va prendre la domination. Le premier est appelé soufre ou bien calidité et siccité, et le dernier argent vif ou frigidité et humidité.

" Ce sont le soleil et la lune. [...]

" Ce sont ces serpents et dragons que les anciens Egyptiens ont peints en un rond, la tête mordant la queue. [...]

" Il y a un rapport avec le Golgotha où Jésus, le Rédempteur des hommes, dut souffrir la Passion dans sa chair avant de se transfigurer en esprit. [...]

" Or, nos deux principes, dont l'un porte la croix et l'autre la lance qui lui percera le flanc, sont un reflet, une image de la passion du Christ (Longin, dans la Passion, joue le même rôle que Saint-Michel et Saint-Georges, Cadmos, Persée, Jason font un geste semblable chez les païens. Il perce d'un coup de lance le côté du Christ, comme les héros grecs transpercent le dragon.)

 

Tome II, p 191.

" En dehors du dragon qui veille, les choses ne sont pas gardées (.ab.insomni.non.custodia.dracone.).

" Le mythe du dragon préposé à la surveillance du fameux verger et de la légendaire Toison d'or, est assez connu pour nous éviter la peine de le reproduire. Il suffit d'indiquer que le dragon est choisi comme représentant le hiéroglyphe de la matière minérale brute avec laquelle on doit commencer l'Œuvre. C'est dire quelle est son importance, le soin qu'il faut apporter à l'étude des signes extérieurs et des qualités capables d'en permettre l'identification, de faire reconnaître et distinguer le sujet hermétique entre les multiples minéraux que la nature met à notre disposition.

" Chargé de surveiller l'enclos merveilleux où les philosophes vont quérir leurs trésors, le dragon passe pour ne jamais sommeiller. Ses yeux ardents demeurent constamments ouverts. Il ne connait ni repos ni lassitude et ne saurait vaincre l'insomnie qui le caractérise et lui assure sa véritable raison d'être.

" C'est d'ailleurs ce qu'exprime le nom grec qu'il porte. Dracon a pour racine dercomai,regarder voir, et, par extension, vivre, mot voisin lui-même de derceunhz,qui dort les yeux ouverts. La langue primitive nous révèle, à travers l'enveloppe du symbole, l'idée d'une activité intense, d'une vitalité perpétuelle et latente enclose dans le corps minéral.

" Les mythologues nomment notre dragon Ladon, vocable dont l'assonance se rapproche de Laton et que l'on peut assimiler au grec Lhqw,être caché, inconnu, ignoré, comme la matière des philosophes.

" L'aspect général, la laideur reconnue du dragon, sa férocité et son singulier pouvoir vital correspondent exactement avec les particularités externes, les propriétés et les facultés du sujet. La cristallisation spéciale de celui-ci se trouve clairement indiquée par l'épiderme écailleux de celui-là.

" Semblables sont les couleurs, car la matière est noire, ponctuée de rouge ou de jaune, comme le dragon qui en est l'image. Quant à la qualité volatile de notre minéral, nous la voyons traduite par les ailes membraneuses dont le monstre est pourvu. Et parce qu'il vomit, dit-on, quand on l'attaque du feu et de la fumée, et que son corps finit en queue de serpent, les poètes, pour ces raisons, l'ont fait naître de Typhaon et d'Echidna. Le grec Tujawn, terme poétique de Tujwn ou Tujwz, - le Typhon égyptien,- signifie remplir de fumée, allumer, embraser.

" 'Ecidna n'est autre que la vipère (Python?). D'où nous pouvons conclure que le dragon tient de Typhaon sa nature chaude, ardente, sulfureuse, tandis qu'il doit à sa mère sa complexion froide et humide, avec la forme caractéristique des ophidiens. "

 

Tome I, p 431.

" Un homme très chevelu, à barbe longue, tient dans sa main gauche un livre et serre de la droite la hampe d'un épieu ou d'une lance. Ces attributs forts suggestifs, désignent formellement les deux matières, active et passive, dont la réaction fournit, à la fin du combat philosophique, la première substance de l'Œuvre. Certains auteurs - Nicolas Flamel et Basile Valentin en particulier - ont donné à ces éléments l'épithète conventionnelle de dragons; le dragon céleste, qu'ils représentent ailé, caractérise le corps volatil, le dragon terrestre, aptère, désigne le corps fixe.

" "De ces deux dragons ou principes métalliques, écrit Flamel, j'ay dict au sommaire sus allégué, que l'ennemy enflammeroit par son ardeur le feu de son ennemy, et qu'alors, si l'on y prenoit garde, on verrait par l'air une fumée venimeuse et mal odorante, trop pire en flamme et en poison que n'est la teste envenimée d'un serpent et dragon babylonien."

" Généralement, et lorsqu'ils ne parlent que du dragon, c'est le volatil que les philosophes envisagent. C'est lui qu'ils recommandent de tuer, en le perçant d'un coup de lance; et cette opération fait chez eux le sujet de fables nombreuses, d'allégories variées. L'agent y est voilé sous divers noms, de valeur ésotérique semblable: Mars, Marthe, Marcel, Michel, Georges, etc...; et ces chevaliers de l'art sacré, après une lutte ardente dont ils sortent toujours victorieux, ouvrent, au flanc du serpent mythique, une large blessure d'où jaillit un sang noir, épais et visqueux. "


Retour à l'index du site

Document téléchargeable au format PDF compressé

(Cliquer avec le bouton droit de la souris pour sauvegarder le fichier sur votre disque)

 

Dragon.zip (192 kb) - 20 octobre 2001

 

 

Internet

Menu-Dragons
Site destiné au légendaire dragon, ou grand nombre de saints sauroctones sont présentés, ainsi que leur légende et certaines images caractéristiques



Bibliographie

Les Demeures Philosophales, de Fulcanelli, Ed. Jean-Jacques Pauvert.

Les Veines du Dragon, de Guy Tarade, Ed .Guy Trédaniel, 1995

Excellent livre sur le symbolisme du dragon avec analyse de tous ses différents aspects. On appréciera en particulier le chapitre sur les sonorités en DRK, signes d'un dragon latent dans l'objet ou la personne qui possède ces sons dans son nom.

La Légende dorée, de Jacques de Voragine, Ed. Gallimard.